• Famille

    Si j’en crois le Gaffiot, famille qui vient du latin familia, tire son sens de famul(us) qui signifie esclave, serviteur, soumis. Familia lui-même d’ailleurs signifie « ensemble de la domesticité ». Par contre, un dictionnaire français récent dira que famille désigne l’ensemble constitué du père, de la mère et des enfants.

    Ce qu’est la famille varie selon les époques. J’ai grandi dans un monde où la famille était le (petit) groupe des parents et des enfants. Bien sûr, famille désignait aussi, mais par extension, toute la parentèle. Mais le sens premier était étroit.

    J’aurais vécu, disons il y a un siècle ou deux, ma famille aurait inclus toute la parentèle vivant sous le même toit : probablement un couple des grands parents (les paternels – ou en tout cas le survivant), mon père, ma mère comme étant sa femme, mes oncles, leurs femmes et leurs enfants – bien sur je parle des frères de mon père pas de ceux de ma mère. Si le grand père survivait, c’était lui le chef de famille, sinon l’aîné des fils. Parfois certains oncles essaimaient. Si la famille était riche, la domesticité en faisait partie : elle habitait là elle aussi.

    Une famille est, avant tout, une unité économique. J’insiste sur la racine « éco-» : ce qui compte c’est la maison. Des gens vivent sous le même toit pour des raisons pratiques, ils forment une famille.

    Il y a deux grands groupes de raisons pratiques : la préservation du capital (de l’avoir plutôt) et l’élevage des enfants. Ces deux groupes de raison ne sont pas antinomiques, bien au contraire l’un est la justification de l’autre. Selon les époques, lesdites raisons pratiques changent, la famille aussi :

    Quand le foncier (bâti ou non) est plus valeureux que le(s) revenu(s) du travail, la famille est ce groupe étendu dont je parlais. Cela a même été encore plus vaste : à l’époque féodale par exemple. Quand le revenu du travail individuel est devenu prépondérant à partir de la fin du XIXème siècle, le groupe s’est réduit à la famille que j’ai connue : papa, maman et les enfants. Et, maintenant que les deux parents ont leur revenu propre, chacun d’eux peut être un chef de famille à lui tout seul. On aboutit à la famille dite monoparentale. Oui mais, dès lors, rien n’interdit de nouveaux regroupements (de revenus et/ou de fratries) : famille dite recomposée.

    Aussi bien « monoparentale » que « recomposée » sont des mots saugrenus. Ils ne font que mettre en lumière l’incompréhension des observateurs.

    Plus grave, comme à toute époque de mutation, les gens ne savent pas qu’ils mutent. Ils pensent encore en termes d’avant, alors qu’ils vivent déjà l’après. D’où tension, douleur parfois. Ce devrait être le rôle des observateurs (éclairés ?) de dédramatiser les situations, d’expliquer leur bien-fondé, voire d’encourager les évolutions. Trop souvent c’est l’inverse qui a lieu. Je dis trop souvent, pas toujours. Mais prenons un exemple, dans combien de récits (écrits, filmiques, télévisuels, …), positive-t-on une famille monoparentale ou recomposée ? Il y en a bien sûr, mais dans quelle proportion ? N’y en a-t-il pas plus qui laissent entendre que ce serait si tellement mieux si papa et maman se remettaient ensemble ?

    De par mon métier entre autres, j’ai croisé et je croise de nombreux enfants de familles reconstituées. La plupart le vivent bien mais en parlent en mal. Dans le quotidien, ils trouvent normal et même intéressant d’avoir des demi-frères ou sœurs et ils les aiment, du moins autant que s’il n’y avait pas de « demi ». Et pourtant, si on les interroge spécifiquement sur le sujet, leur discours devient négatif. Trop souvent, ils ne font alors que reproduire le discours qu’ils ont entendu sur la chose. Certains vont même parfois jusqu’à tellement intégrer ce discours qu’ils en souffrent, voire en meurent.

    Je ne dis pas que tout est rose ! Bien sûr, que certaines de ces familles sont des échecs et des lieux de souffrance. Mais pas toutes. Pas la plupart. Et, surtout, pas per se. Bien sûr, qu’un beau-père ou une belle-mère peuvent être vécus comme usurpateurs par un enfant. Mais pas toujours. Et, surtout, ils le seraient moins et moins souvent, si on osait dire que c’est « normal ».

    Terminons par un autre type de famille. Un débat récent agite nos sociétés : le mariage homosexuel et (surtout !) sa conséquence : « ils auraient droit alors d’élever des enfants ! »
    Ben oui, et alors ?

    Parlons d’abord d’un fantasme : Trop de gens quand on prononce homosexuel, ne pensent qu’à « homme homosexuel ». Et donc à pédé ! Rendez-vous compte : confier l’éducation et le soin d’enfants à des pédérastes, à des pédophiles ! Quelle ignorance ! Quelle sinistre bêtise ! Quel salmigondis de confusions ! Comme si, dans homo-sexuel, l’important était -sexuel. Alors que, là comme ailleurs, ce qui compte c’est l’amour entre les deux. S’il est présent tant mieux, sinon c’est aussi pire qu’ailleurs, pas plus. Comme si homo s’écrivait hommo ! Pauvres lesbiennes, vous n’avez même pas le droit d’exister. Comme si la plupart des pédophiles n’étaient pas hétéros !

    J’ai bien peur que la plus grosse part de la résistance au mariage homosexuel soit dans ce fantasme, consciemment ou pas. Mais certains argumentent : à un enfant, il faut une image du père ET une image de la mère … Freudisme de pacotille.
    Deux réponses : d’abord le mot important c’est « image », ensuite combien de couples hétérosexuels remplissent réellement cette fonction ?
    Bien sur, un enfant a besoin des deux images. Mais lorsqu’il ne les trouve pas dans son entourage immédiat, il les prend ailleurs : le père est absent ou déficient ? tel professeur, tel artiste, tel oncle, … fera l’affaire.

    Prendre prétexte (pour le cas homosexuel comme pour le cas monoparental d’ailleurs, car je l’ai entendu pour les deux) de l’Œdipe, c’est ne pas avoir compris grand-chose à la psychanalyse. C’est rationnaliser ses peurs ou sa nostalgie.


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  • Commentaires

    1
    Julie Pietri Profil de Julie Pietri
    Lundi 25 Février 2013 à 10:57

    +++++.... !!!!!

    Je suis entièrement d'accord, sans condition! Je n'aurais jamais pu/su exprimer cela de cette façon, mais c'est tout à fait le fond de ma pensée!

    L'enfant a d'abord besoin d'un équilibre: une sensibilité masculine/une sensibilité féminine. Ces sensibilités sont parfois/souvent inversées chez les couple hétéros, n'en déplaise à l'imagerie populaire.

    Alors que les "parents" soient hétéros ou homos...

    J'ajoute juste qu'il me semble rencontrer plus de résistance de la part des hommes sur ce sujet et en effet, je l'ai souligné moi même quelque part, la tendance à ne mentionner que l'homosexualité masculine et à rendre inexistante l'homosexualité féminine est tout de même très forte. Je pense que les hommes visualisent d'avantage le sujet quand les femmes en font (peut-être, je ne sais pas) plus une affaire de sensibilité.

    J'ai même entendu, dans ma propre famille: "mais si on laisse faire ça, c'est la fin de la civilisation. On ne va plus se reproduire". Je me suis crue obligée de faire preuve de patience et d'expliquer que si j'étais pour le mariage pour tous, je n'avais pas l'intention de changer de sexualité, même si j'avais passé l'âge de me reproduire. Qu'il ne s'agissait pas d'une maladie. Que ce n'était pas contagieux.

    Peux pas tout lire dans la foulée. Suis pas en vacances. Ton blog est copieux. Mais...

    ... je reviendrai.

    2
    Lundi 25 Février 2013 à 15:30

    C'est en voyant que Bicar a récemment commenté que je découvre cet article auquel j'adhère de la première à la dernière phrase, et sans condition ni aucune retenue.

    Je me tue à porter ce discours et cette vision des choses (j'utilise notamment le terme de "tribu" pour expliquer que l'enfant peut trouver une figure "paternelle" dans une famille élargie, ou ailleurs), je ne le dis pas aussi bien, parfois un argument m'échappe et la dicussion se clôt.

    Je me le mets de côté.

    3
    Lundi 25 Février 2013 à 16:14

    Pour être précis, j'ai écrit ce texte en Octobre 2004. Oui, déjà.

    Donc ce n'est pas "l'actualité" qui m'a inspiré. Par contre, ce qu'on peut remarquer c'est que "l'actualité" a du mal à évoluer...

     

    4
    Lundi 25 Février 2013 à 16:23

    Ma propre histoire amoureuse m'a amenée à des réflexions similaires dès la fin du XXè (seigneur! je suis une dinosauresse!) - mais en effet, ça n'a pas bougé de beaucoup de poils ...  :)

    5
    Leoned Profil de Leoned
    Mercredi 27 Février 2013 à 22:51

    @ Lulette

    Ca a des poils les dinosauresses ? Je croyais que c'étaient des plumes ! Comme les sparfells quoi.

     

    6
    Mercredi 27 Février 2013 à 22:52

    Toi .... tu as de mauvaises fréquentations depuis peu! :D

    7
    Julie Pietri Profil de Julie Pietri
    Jeudi 28 Février 2013 à 11:50

    Uiiiiiiii.....????!!!!!

    On m'appelle ?????

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