• La débâcle à l'envers. (version provisoire)



    Nous sommes le Samedi 13 Avril 1940 à Sétif (Algérie). Le capitaine Charles G. est arrivé la veille au soir de son cantonnement de Bône (ou Philippeville ?). Il est environ 14 heures, et sa fille Annick naît.

    Les surnoms sont légion dans cette famille : cette Annick qui vient de naître sera souvent appelée Nanou plus tard, sa mère, Yvonne F., est déjà surnommée Guène par son neveu et filleul Max R. (Guène est la déformation enfantine de Marraine) et le père, presque tout le monde l’appelle Tonton Benjamin dans la famille ! La sœur aînée ? Elle se prénomme Marie-Louise, elle va avoir 14 ans cette année, et tout le monde l’appelle Maryse. Le frère, Pierre, 10 ans, lui son surnom est plus classique : Pierrot, mais déformé en Peyot par sa cousine.

    Mais nous sommes en 1940. Au printemps 40 ! Alors bien sûr, « Nanou » est baptisée, « Pierrot » fait sa communion, mais, le Mercredi 23 Mai, en milieu de matinée, « Tonton Benjamin », capitaine G., quitte Bône en vapeur avec son 1er Bataillon du 11ème Régiment de Tirailleurs Algériens. Le lendemain il est à Marseille, direction le front[1].

    Le croirez-vous : les familles restées en arrière en Algérie demandent avec insistance à l’Armée d’être envoyées en Métropole. Non pas bien sûr pour rejoindre les hommes sur le front, mais pour être au plus près, dans les familles restées là-bas en métropole, en cas de … L’Armée accepte et voilà la famille G. en route : d’abord le train de Sétif à Alger, là, le bateau qui les mène non à Marseille, trop encombrée par les troupes, mais à Sète. Et là elle tombe en pleine débâcle, mais à rebours. Le projet c’est d’atteindre La Berrie. La Berrie c’est le hameau familial, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Nantes, c’est là que vivent les parents de « Guène ». Mais on est à Sète. Plus de 800 km. Et les trains qui marchent mal, quand ils marchent. Et la famille G. c’est quoi : c’est la (jeune) mère, bientôt 39 ans, la grande, à peine 14 ans, le garçon, même pas 10 ans, et, bien sûr, le poupon : 1 mois et demi ! Et c’est les bagages : les valises, les sacs, le hamac pour transporter le bébé et la « panière ». La panière c’est les affaires du capitaine G. : des rechanges, surtout son uniforme de parade et, on en reparlera, son revolver, démonté, sous les vêtements.

    Le trajet est chaotique et indirect : Toulouse, Angoulême, Tours. Là, il faut passer la nuit. « On reste dans le train » décide Maman, mais un contrôleur qui passe n’est pas du tout de cet avis : Saint Pierre des Corps c’est une gare de triage, on craint les bombardements, et on a raison : il y en aura. Alors la nuit c’est dans la salle d’attente, avec tout le fourniment. Tôt le lendemain matin, le train pour Savenay, gare la plus proche de La Berrie. Vers 8h, 8h et demi on passe à Nantes, et là surprise : Maryse et Pierrot sont à la fenêtre prendre l’air, on traverse un passage à niveau, et là, attendant à la barrière, Max, le cousin, le filleul, son vélo à côté de lui. Stupeur des deux côtés. Mais le train file. Max sera en retard au lycée ce matin-là : il rebrousse chemin et court prévenir ses parents « Je te dis que je les ai vus ! ». Quand on arrive à Savenay, il n’y a personne pour les attendre. On a bien envoyé un télégramme de Tours pour dire on arrive, mais est-il même parvenu ? et si oui, on arrive quand ? Si bien que les premiers mots d’accueil seront : « Mais qu’est-ce que tu viens faire là ma p’tite fille ? ».

     On est début Juin et on restera à La Berrie jusqu’en Juillet. Entre temps, on recevra une lettre du curé de Lalinde, non loin de Bergerac : le capitaine G. va bien, il est passé par là sur le chemin de Bourniquel. Plus tard, son régiment sera regroupé, plus au nord, à Rancon, Haute-Vienne. Bien sûr, maintenant, le projet est de le rejoindre mais on est en Juillet 40, La Berrie est en zone occupée et Rancon en zone libre. Alors on ruse : la jeune maman est fortement éprouvée suite à l’accouchement et tout ça. Le Docteur Halgand lui prescrit les eaux : il l’envoie à Vichy ! Et pour aller à Vichy quoi de plus simple que de passer par Angoulême … On est presque sur le départ quand Maryse se tord la cheville, la rebouteuse locale remet ça en place, mais quand même quelques jours de délai. Heureusement ma foi : le train qu’on devait prendre, aura un accident, plein de morts. On part enfin. On passe la ligne de démarcation à La Rochefoucauld en taxi le 31 Juillet 1940 à 16 heures. Et c’est à minuit ce soir là qu’ « ils » commencèrent à fouiller les bagages : vous vous rappelez le revolver dans la panière ? Imaginez si …

    Fin Août, début Septembre, ils repartiront vers Sétif via Marseille où ils attendront le bateau pour Philippeville 8 jours. Et vers la fin Octobre de cette même année 1940, le capitaine G. sera affecté à Fez au Maroc. Sa famille l’y accompagnera et Max les y rejoindra courant 1941. Mais c’est une autre histoire.


     


    [1] Voir « Journal de marche du 1er Bataillon du 11ème R.T.A. ». À paraître.          [retour au texte]


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 27 Septembre 2012 à 16:47

    quel périple!! bien raconté, les pseudos en pagaille..

    est ce que la suite, au Maroc, est racontée? 

    2
    Jeudi 27 Septembre 2012 à 16:55

    Pas sûr du tout pour la suite : la plupart de mes sources (familiales) sont mortes, les sottes.

    Mais normalement je devrais avoir du matériau pour plus développer le "périple".

    Mais il me faut de la patience : Maryse (86 ans) et Peyot (82 ans) se font prier depuis au moins 4 mois !!!

     

    3
    Jeudi 27 Septembre 2012 à 17:03

    A leur âge, il faudrait qu'ils se hâtent et pas lentement...C'est une mémoire importante.Je n'ai plus personne au dessus de moi depuis 1 an alors j'ai compris que c'était moi la Mémoire! Au secours!!!   

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