• La parabole de la chambre à air.

    Quand j’étais pitchoun, les vélos avaient un gros défaut : ils crevaient tout le temps. Non seulement on n’avait pas inventé le VTT, mais même le caoutchouc des pneus était médiocre par rapport à celui de maintenant (pas croyable les progrès technologiques qu’on a fait en un demi-siècle, et je ne parle pas des trucs voyants comme les ordinateurs et tout ça, mais des trucs simples. Tiens un exemple : les valises à roulettes, il a fallu attendre d’inventer la bonne matière plastique pour les roues !).

    Donc on crevait, faut dire qu’en plus les revêtements des routes eux aussi ont fait des progrès et que les clous des fers à cheval sont devenus rares, moi qui vous parle j’ai connu le livreur de charbon dans sa charrette à cheval en pleine ville de Nantes.
    D’ailleurs c’était prévu, sous la selle à l’arrière, il y avait une petite trousse. Elle contenait une ou deux clés pour démonter les roues, un tube de dissolvant et des rustines (pour ceux qui n’ont pas connu : une rustine c’est comme ces patchs qu’on vous vend pour arrêter de fumer, et ça ne marchait guère mieux).

    La procédure était la suivante :
    • je crève, en quelques dizaines de mètres mon pneu est à plat,
    • je démonte ma roue et j’extrais la chambre à air,
    • je gonfle un peu ma chambre à air et je cherche désespérément aux alentours un ruisseau ou un abreuvoir à bestiau,
    • je plonge la chambre à air dedans : là où ça fait des bulles, là se trouve le trou, je le repère,
    • j’applique du dissolvant tout autour (après l'avoir essuyé !) et je m’empresse de coller une rustine par-dessus,
    • me reste à remettre la chambre à air dans le pneu, à remonter la roue, et à regonfler,
    • puis je repars.

    Et 400 mètres plus loin on re-crevait ! Ailleurs sur la roue : la rustine avait tenu, mais pas la chambre à air. Ben vi, elle était usée.

    Depuis un peu plus de dix ans je me fais l’effet d’être une de ces vieilles chambres à air : suffit qu’un toubib réussisse à stabiliser un de mes problèmes physiologiques, pour que dans les deux mois qui suivent, un autre se déclare à côté.

    Ça a commencé standard : trop de cholestérol. Statines et tout ça. Quelques mois et, ouf, c’est revenu dans la bonne fourchette. (Remarque : ça ne durera pas ! Faudra changer deux ou trois fois de médicaments et de dosages dans les années qui suivront).

    Là j’ai fait une erreur (qui me permet d’être encore parmi vous à vous empoisonner avec mes textes), sentant poindre le problème, j’ai obligé (je dirais même : contraint) ma toubib (toujours trop optimiste) à vérifier. J’avais raison : diabète !

    On essaie d’abord les glucophages, normal. Malade à crever plus des hypoglycémies soudaines et sans motif. On change bien vite de traitement, mais le succès est tellement relatif qu’elle se résigne à m’envoyer chez un endocrinologue. Près de dix ans après, c’est toujours médiocre comme résultat, mais enfin c’est quasi stabilisé.

    Il y a 8 ans de cela je me suis cassé la gueule en beauté en classe en dérapant sur le bord de l’estrade dans ma fougue pour écrire je ne sais quoi au tableau. Par chance (?), ma tête est passée dans les 20 cm qui séparaient le coin anguleux de mon bureau du bord tout aussi robuste de l’estrade. Heureusement que je n’ai pas la grosse tête ! C’est l’épaule gauche qui a tout pris. Pour vous dire la violence de la chute, un élève normal, voyant un prof se casser la gueule, éclate de rire, c’est bien naturel. Là ce fut le blanc absolu (et pourtant c’était une classe de gais lurons, pas méchants mais vite agités). Enfin si, y’a eu une réaction : « Mais c’est qu’il m’a foutu les boules ce con-là ! » s’est exclamé un élève (pourtant poli d’ordinaire). Me suis relevé, non sans mal, et, de fait, le cours s’est arrêté là (restaient 5 minutes de toutes façons). Y’a une élève qui m’a dit : « Vous êtes tout blanc, Monsieur ». Je l’ai rassurée du mieux que j’ai pu, mais je n’ai pas osé lui dire que, elle, elle était livide !
    Enfin bref, j’avais sévèrement mal. Fin d’après-midi, je file à l’infirmerie du collège, coup de chance c’était un des rares jours de permanence de l’infirmière, elle regarde vite fait, se veut rassurante et me donne un vague Doliprane (le paracétamol et moi, ça fait deux : aucun effet, mais poli je ne l’ai pas contredite). Surtout que j’avais ce soir-là un rendez-vous urgent avec mon banquier et que je suis plutôt du genre « marche ou crève ». J’ai marché, enfin conduit jusqu’à la banque sur le mode : « Bah ça va passer. » J’t’en fous, ça passait pas.
    Comble de malchance, mon oncle et parrain décède 3 jours après, à 800 km de là. Comme je vois mal mes parents déjà âgés faire seuls l’aller-retour, on se met d’accord avec ma sœur pour les y emmener en voiture. Et hop c’est parti 800 km aller, 800 km retour. Enfin non, le retour c’est ma sœur qui a conduit à peu près tout le temps. M’a dit depuis que mon visage transpirait la souffrance. Puis ça s’est calmé, enfin l’ai-je cru. Même que deux mois plus tard (en Juillet), ma sœur et moi emmenions nos parents aux Chorégies d’Orange. Hop, deux fois mille bornes. Un peu mal, mais sans plus. Seul problème les péages d’autoroute : j’arrivais pas à lever le bras gauche pour glisser la Carte Bleue dans la fente idoine, obligé de faire l’acrobate avec la main droite !
    Et puis brutalement, au mois d’Août, la douleur est revenue totalement insoutenable. Diagnostic : algodystrophie suite à trauma sévère. Et c’était sévère en effet : la radio a confirmé, je m’étais fracturé l’épaule avec arrachement du trochiter. Quand je dis insoutenable vous avez pas idée ! Le toubib (spécialiste de la chose) a essayé 2 ou 3 antalgiques avant d’en trouver un qui me fasse quelque effet.
    Nouvelle erreur (?) de ma part : j’ai écouté mon ex qui m’a fait aller à un centre antidouleur à Nantes. Là m’ont administré, en perf’, un remède de cheval (c’est le cas de le dire : Ketamine, ancien remède vétérinaire) plus un benzodiazépine. Pour vous dire le sérieux de la clinique où j’étais entré, un effet secondaire connu de la Ketamine est l’augmentation de la tension artérielle, m’ont même pas pris ma tension à l’entrée. Résultat : 3 nuits plus tard panique chez les infirmières (je revois la tête de la plus jeune regardant désespérément son ainée) car crise d’hypertension. Ça devait être latent d’ailleurs, mais ce fut le révélateur. (Pour terminer sur l’épaule, il faudra pas moins de 3 infiltrations de cortisone en 6 mois pour en venir à bout).

    Toujours est-il que j’avais une nouvelle pathologie : hypertension. Donc cardiologue. Pas heureux au vu de mon cardiogramme le mec, donc examens divers et traitements itou. On stabilise.
    Sauf que dans le traitement y’avait un diurétique et un jour, après un contrôle de routine, panique chez les toubibs : hypokaliémie (manque de potassium). Coup de fil angoissé de ma toubib tard un soir : « vous arrêtez immédiatement le … » et nouvelles visites chez le cardiologue. Pluriel parce qu’il a alors essayé deux nouveaux traitement d’abord un bétabloquant qui n’a eu aucun effet (sauf secondaire désagréable) puis un autre qui n’a pas eu plus d’effet mais au moins pas de secondaire non plus. J’ai alors exigé de reprendre du diurétique. En 15 jours, c’était rétabli, sauf que j’étais condamné à bouffer du potassium à hautes doses. (Tellement hautes pour finir qu’il y a 6 mois, on a changé de diurétique et que ça a l’air de marcher. Sous réserve : je revois le cardiologue la semaine prochaine).

    Tout cardiologue normal est un mec pessimiste per se. Je suis tombé sur un cardiologue pessimiste ! Donc pessimiste au carré. Il m’est arrivé de sortir de son cabinet le moral au fond des chaussettes alors que tous les examens étaient bons ! Un jour, il n’a pas trouvé mon pouls au talon gauche, il triomphait mes artères se bouchaient (cholestérol + diabète + clopes), m’a envoyé chez une angiologue (doppler des artères). Celle-ci constate que mes artères du bas vont bien et, par conscience professionnelle, vérifie aussi mes carotides. Carotides : RAS. Mais soudain : « Mais vous avez un nodule à la thyroïde ! » Son appareil était pas adapté, retour chez l’endocrinologue mieux équipé. C’était pas un, c’était deux nodules, dont un qui lui paraissait suspect. Au bout d’environ un an, il se décide : on enlève c’est plus sûr. Ce qu’on enlève, c’est pas les nodules c’est la thyroïde en entier ! Et hop, une petite pilule quotidienne en plus. Il a bien fait d’ailleurs parce qu’un examen approfondi du nodule suspect a révélé qu’il commençait à dégénérer (précancéreux si vous voulez). Donc surveillance depuis.

    Vous vous doutez bien que l’accumulation de tous ces soucis ça finit par porter sur le moral ! Me suis d’abord contenté d’anxiolytique ayant eu une mauvaise expérience avec les antidépresseurs. Mais bon, il y a quelques mois j’ai craqué et mon psy m’a prescrit un autre antidépresseur que celui qui m’avait démoli. Succès rapide. En moins de deux mois ça va mieux.

    Ben oui, mais non : baisse soudaine et alarmante du sodium dans le sang (hyponatrémie ça s’appelle). Donc y’a un mois j’ai (prudemment) arrêté l’antidépresseur. Prise de sang avant-hier : natrémie redevenue normale ! Oui mais rythme cardiaque quand même très élevé et tension plutôt trop basse maintenant ! Je vois le cardio dans 8 jours on avisera. Pour l’antidépresseur, je m’en passe fort bien : l’approche de ma retraite fait le même effet et coûte moins cher à la Sécu !

    Je sais que je deviens long et donc lassant, mais je tiens à être complet. À la fin de l’été dernier ce sont mes intestins qui ont fait des leurs ! Donc visite (tardive : elle était malade) à ma gastroentérologue qui m’avait déjà soigné pour des polypes. Plein d’examens (Pour vous donner une idée : au mois de Novembre 2011 qui contenait moins de 24 jours ouvrables, j’ai passé plus de 12 examens divers. En gros un tous les deux jours !). Bilan tout va bien : aucun souci à se faire, c’est rien que le stress. Ouaip ! Mais bon plus de 6 mois de diarrhées et 10% de poids en moins. Et pas de la graisse ! de la masse musculaire. Pratique pour marcher.

    Bon je vous raconterai pas le reste on en finirait pas, sachez juste qu’on vient de me constater une carence en vitamine D !

    Voyez pourquoi je vous parlais de vieille chambre à air ? Dès qu’on semble avoir résolu un problème, il y en a un autre qui surgit. Et ça fait plus de dix ans que ça dure.


  • Commentaires

    1
    Jeudi 8 Novembre 2012 à 09:20

    Si ce n'etait pas toi, je rigolerais!! Moliere aurait pu s'inspirer de toi!!  Tu as un sacré style et tu parviens à interesser sur un sujet qui normalement me laisserait de marbre. Bon, quand tu seras en retraite (J- ??) tu verras que tout ira mieux et que tu te remettras en ....selle.

    2
    Jeudi 8 Novembre 2012 à 12:05

    Mais il faut rigoler !

    Comment crois-tu que je survivrais sinon ?
    Je rigole même trop : ça trompe le toubib qui ne me connaît pas encore ! Il (ou elle) ne me croit pas malade...

    J - 85  aujourd'hui !!

     

    3
    Jeudi 8 Novembre 2012 à 17:17

    hypocondriaque, c'est une maladie, non? 

    4
    Jeudi 8 Novembre 2012 à 18:46

    Ouaip !

    Même que c'est pour ça que je ne lis JAMAIS les notices des médicaments avant au moins 15 jours de traitement, sinon je risquerais d'attraper tous les effets secondaires et/ou indésirables !

    Sachons être prudent...

     

    5
    Vendredi 9 Novembre 2012 à 14:26

    Tu deviens sage... :)

    6
    Vendredi 9 Novembre 2012 à 14:48

    Que non point ! Je suis "un vieux sage" !!

    Il y a 20 ans et quelques, j'ai eu toute une bande de gamins et gamines (dans les 20 ans au moment où j'atteignais les 40) qui ont défilé à la maison (connus par minitel - hé oui ! vieux je te dis).
    Mon surnom alors :  le guru  !!

    Si, si je te jure...

     

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    7
    Jeudi 11 Avril 2013 à 20:17

    je reviens te lire...et je réagis....Didon!! Tu fais défiler des gamins connus par le minitel..rose? Finalement le titre de  "guru "te va bien....

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