• Papa Noël.

    Il y a bien, bien longtemps, dans une galaxie fort, fort lointaine, j’ai connu une époque abominable. J’avais à peine 20 ans, c’était il y a un peu plus de 40 ans et à une 60aine de kilomètres de mon chez moi actuel.
    L’abominable ? Il fallait débêtifier les enfants.
    Interdiction de dire une « meuh-meuh » ou un « ouah-ouah », les mots corrects étaient « vache » et « chien », et, si l’enfant insistait, on le reprenait. Qu’un enfant ose dire «  J’ai pas faim, j’veux pas de soupe. », le problème n’était pas son caprice, bien normal d’ailleurs, mais sa syntaxe : « Mon chéri, on dit : ‘Je n’ai pas faim’ et ‘je ne veux pas de soupe’ ». Sucer son pouce était un sinistre syndrome et d'ailleurs on suggérait aux parents d'enduire ledit pouce de moutarde. Les contes de fée étaient des entreprises de décervelage, les princesses et les princes charmants étaient de redoutables machines de guerre du phallocratisme et, d’ailleurs, Walt Disney était, c’est évident, un crypto-fasciste. On ne disait pas « Papa » ou « Maman », on disait « Albert » et « Lucette ».
    Si, si je vous assure, ça a existé.
    L’enchantement était malsain.

    Alors, bien entendu, on n’allait quand même pas faire croire à ces enfants que le Père Noël existât. C’eût été criminel.

    Pour mon bonheur et mon équilibre mental, je fus môme avant et, moi, j’y ai cru au Père Noël. Me souviens même très bien du jour où j’ai appris que…
    Je devais être à mon premier ou deuxième trimestre de CE1, je m’étais fracassé le genou en entrant dans la cour de récréation et en ratant une marche, plus de 50 ans après la cicatrice est toujours visible. Même qu’un instit’ a couru comme un fou pour rattraper mon père qui m’avait amené à l’école en voiture et qui s’éloignait déjà. Toujours est-il que, à la fin du 1er trimestre ou au début du 2ème, on avait dû causer entre nous à la récré. Alors, je me revois, allongé sur une chaise longue en osier, demandant soudain à ma mère : « Dis, Maman, (on disait encore Maman) le Père Noël est-ce que … ». Ma mère était à ce moment occupée à habiller mon jeune frère (3 ans de moins que moi) pour je ne sais quelle occasion, elle me fit taire : « Attends un peu, on parle après. ». Ce qu’elle fit, une fois le jeune frère hors de portée, et là elle me dévoila l’horrible vérité : « Le Père Noël n’existait pas en effet, c’était les parents, et autres adultes qui etc. ». Sur le coup, j’ai encaissé sans problème : ça confirmait mes soupçons. Puis, dans les secondes qui suivirent me vint une affreuse pensée : « Mais alors, à Pâques, les cloches, c’est pareil ? ». C’était pareil ! Et là, je fus déçu.

    J’ai raconté, il y a peu, je crois que c’était chez Magitte, deux magnifiques cadeaux que j’eus à Noël du temps que j’y croyais encore.
    L’un était un garage miniature nommé « Le garage du Croissant » et le fait que le « Croissant » soit le nom de mon quartier ne me choqua nullement.
    L’autre c’était une patinette (pas une trottinette à pédale, une patinette).
    Pourquoi je vous cite ces deux cadeaux ? Parce que c’est mon grand-père qui les avait fabriqués ! Dans sa cave atelier. Vous comprendrez ma tendresse pour eux.

    Ce jour même j’ai raconté chez Sparfell une anecdote sur ma petite-nièce qui a quatre ans et qui y croit encore :
    Se promenant en ville avec son père, elle vit un « Père Noël » dans la rue. Doctement, mon neveu par alliance lui expliqua : « Ce n’est pas le ‘vrai’ Père Noël. C’est un monsieur déguisé en. Une sorte d’usurpateur. »
    Alors depuis, quand elle en croise un autre, elle crie : « Usurpateur ! Usurpateur ! ».

    Au passage, cela vous montre qu’entre l’époque horrible que je vous évoquais au début et maintenant, un progrès a eu lieu. Progrès ? diront certains, mercantilisme plutôt. Les sots. Ils n’ont toujours pas compris que ce qui compte ce n’est pas le cadeau c’est l’enchantement. Car le Père Noël est un enchantement ! Rendez-vous compte, il passe partout en même temps, apporte juste ce qu’on voulait (et qu’on lui a écrit dans une lettre où on jurait d’avoir été bien sage) et ce partout : bien sûr, chez Papa et Maman, ça c’est facile, mais aussi chez Grands-Pères et Grands-Mères, et même chez le Tonton lointain, très lointain parfois, et qui vous réexpédie la chose (du moins quand la Poste savait encore transporter des colis).

    J’ai participé de cette réhabilitation. Et j’en suis fier.
    Quand ma fille est née, j’avais 30 ans et j’avais bazardé toutes les billevesées qui avaient cours lors de ma 20aine. Alors, de plein accord avec mon ex, nous jouâmes le coup du Père Noël : c’était lui qui apportait les cadeaux ici-même chez nous, mais aussi chez les grands-parents, les oncles et les tantes. Pas de souci.
    Puis vint le jour où. Et ce fut moi qui dus.

    Je me rappelle (avec un mélange d’horreur et de fierté) la scène : j’étais assis à un bout du salon et ma fille, 7 ans par là, debout à l’autre bout, quand elle posa la question fatidique. Je ne vous garantis pas l’exactitude du dialogue, mais je vous en garantis le contenu :
    « Papa, dis le Père Noël il existe hein ? »
    Je répondis :
    « À ton avis ? Qu’est-ce que tu en penses ?
    - Ben, je crois qu’il n’existe pas que c’est vous qui… »
    Elle prêchait le vrai pour savoir le faux.
    Mais je lui dis le vrai.
    Elle éclata en sanglots !

    Je vais vous dire, telle que je connais ma fille (de l’époque mais actuelle aussi), ce n’est pas l’affreuse découverte qui la fit pleurer, c’est qu’elle avait dû soutenir mordicus dans la cour de récré devant les copines que « si, le Père Noël existait ! » et qu’elle voyait, avec effroi, qu’elle avait eu tort. Ça c’était vraiment dur.
    Je l’ai consolée.

    Encore un mot d’enfant, mon frère cette fois. Moi je savais déjà, mais je me taisais, mon frère atteignait l’âge du doute et, un soir, nous faisions chambre commune, avant de s’endormir il me dit :
    « C’est sûr que le Père Noël existe, Papa et Maman n’ont pas assez de sous pour nous payer tout ça. »

    L’enchantement, je vous dis.

    Ce qui est criminel c’est de désenchanter le monde des enfants.

     

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 17 Décembre 2013 à 01:26
    pyrausta1

    oui, je te lis et mon coeur se serre... Ta derniere phrase me touche, touche la  Helene que tu as découverte. J'ai longtemps(même adulte)  regardé chez les autres... Ma fille a cru au Pere Noel jusqu'au CP...et comme toi, elle a associé Paques et la petite souris...Au moins elle a eu, elle, les yeux brillants .

    Tu as été un super papa (gateau-gateux) et c'est un des plus beau cadeau que tu aies pu lui faire. La magie, y a que ça de vrai!! Demande à "Emma"! 

    2
    Mardi 17 Décembre 2013 à 01:43

    La Hélène dont parle Pyrausta c'est ici, on a dû écrire nos articles à peu près en simultané.

    Allez y voir, ça complète.

     

    3
    Mardi 17 Décembre 2013 à 10:28

    "Désenchanter le monde des enfants"!!A notre époque les enfants sont bien trops vite "désenchantés"!!A cause de qui,de quoi??Bons préparatifs de fêtes magiques,à bientôt,Jean-Pierre

    4
    BORDS DE MER
    Mardi 17 Décembre 2013 à 14:26

    Débêtifier les enfants ,dîtes vous........ A chaque moment de leur vie ,nous respections leur innocence et leur évolution.      Pas de gâtisme,un parlé vrai  , ,les cris des animaux ,c'était un jeu et je suis certaine que trop heureux de les entendre gazouiller ,nous les laissions dire à leur rythme.......Pouce et sucette , ,inconnus à la maison , tant pis pour les dentistes !!!        NOËL, instant magique ,toute la vie !!!! les premières années ,OK  mais l'homme au bonnet rouge ,passait par la porte et non par la cheminée.      Ensuite ,les enfants choisissaient sur catalogue ,écrivaient au vieux MONSIEUR  ,lettre postée ,ou  mise sur la fenêtre .L'année suivante ,papa et maman ,joignaient un chèque ,l'année d'après ,le magasin livrait et nous les parents étions chargés de récupérer les cadeaux ,et de les ranger ,sous le sapin ! Le passage du rêve à la réalité s'est effectué en douceur  METHODE DOUCE ESSAYEE    ,succès ou pas ? SUCCES  j'espère ...... Nous n'aurions pas aimé qu'elles nous nomment par nos prénoms  ,je vais vous faire une confidence ,je suis incapable de signer  MAMAN  sur notre courrier ,mais là est une autre histoire ......une blessure d'enfance certainement!   avez vous écrit au PERE NOËL ?vous savez ,il n'oublie pas les  papas

    5
    Vendredi 20 Décembre 2013 à 16:29

    Je te souhaite d'ores et déjà un très bon Noël ... je prévois une petite pause bloguesque

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