• Le premier symptôme que j’aperçois est cette quête éperdue qui semble vitale pour beaucoup de nos contemporains, je veux parler de la quête de ses origines.
                La forme « douce » en est la passion de la généalogie qui a déjà quelques années der­rière elle.
                Une forme nettement plus inquiétante est l’acharnement que mettent certains né(e)s sous X à retrouver leur père ou leur mère « biologique ». Rien que cette expression de père ou mère biologique !
                Une forme intermédiaire est la revendication de sa nationalité d’origine chez les prétendus « immigrés » : un jeune ado, petit-fils, de marocains va se vouloir marocain lui-même, alors que ni ses parents (nés français) ni même ses grands-parents, effectivement ma­rocains eux, n’avaient même songé à cela, au contraire.

    Le deuxième symptôme est parfois lié à cette dernière forme du premier. C’est la reven­dication d’appartenance à une communauté spirituelle, ethnique, philosophique, politique, géographique, etc.
                Le problème n’est pas dans l’appartenance à telle ou telle communauté, ni même dans l’affirmation de cette appartenance, il est dans l’importance relative qu’on lui donne par rap­port à l’appartenance commune à la nation.
                Untel se dit et se vit comme musulman français, et non pas comme français (quitte à préciser, s’il en est besoin, qu’il est de religion musulmane). Si je prends l’exemple du mu­sulman, c’est parce que, ruse suprême, il semble décidé que le « français normal » est évi­demment catholique. Or rien n’est plus faux depuis au moins deux siècles ! Essayez pour voir de vous dire athée dans un débat télévisé sur un « sujet de société ».
                Tel autre va se dire et se vivre avant tout comme « jeune de banlieue ». Et d’ailleurs, hélas, être dit et être vécu comme tel. Deux appartenances d’un coup : jeune, banlieue.
                On pourrait trouver d’autres exemples mais je ne veux pas m’y attarder pour le mo­ment. Exercice : repérer toutes les phrases qui commencent par un « Moi c’est en tant que … , que je …. ».

    Un troisième symptôme est le délaissement actuel du politique, ou aussi bien du syndi­cal. Ce n’est pas vrai me rétorque-t-on, c’est juste que l’engagement a pris d’autres formes. Regardez comme les jeunes (encore eux) sont descendus dans la rue contre le CPE, ce n’est pas de la politique ça ? ce n’est pas de l’engagement syndical ça ?
                Ben non, désolé, ça n’en est pas. C’est une (juste ?) lutte revendicative sur un sujet précis. Bravo, très bien d’ailleurs, mais ce n’est pas ça la politique ou le syndicalisme : à peine retombée la lutte, et la plupart des intervenants sont retournés à leurs petites affaires, et ce malgré les efforts énormes des partis politiques et des syndicats pour recruter. Et les mêmes qui ont défilé et manifesté à telle ou telle occasion seront les premiers à râler quand les cheminots ou les traminots en feront autant. Dans le premier cas, ils étaient « concernés », dans le second ils sont « perturbés ». Et on est ramené ainsi au deuxième symptôme : c’est par appartenance à tel ou tel groupe d’intérêts qu’on fait grève ou qu’on manifeste, pas par souci politique.
                Oui mais, vous exagérez, c’est vrai que les partis et les syndicats ont perdu de leurs audiences, mais le mouvement associatif n’a jamais été aussi florissant. Eh oui, c’est bien ce que je dis : deuxième symptôme.


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