• Histoire de la pensée économique, Ghislain Deleplace

    Ce livre est un « manuel » (universitaire), il en a donc les défauts et les qualités. Même si dans ce cas, les qualités l’emportent nettement sur les défauts.


    Il n’est pas complet : d’abord certains théoriciens sont à peine évoqués et d’autres ignorés, mais l’auteur d’un cours se doit de faire un choix. Ensuite, et là aussi c’est un choix, il part du XVIIIe siècle (Quesnay et le physiocratisme) pour aller jusqu’au XXe (théorie néoclassique, Arrow-Debreu), donc il n’évoque qu’à peine ce qui a précédé que ce soit Aristote, pour les Anciens, ou des gens comme Bodin ou les mercantilistes. Voilà pour les défauts. On m’accordera qu’on peut faire avec.

    La première qualité est dans le propos même de l’ouvrage : l’histoire de la théorie est une partie de la théorie. Ce qui permet une analyse dans la continuité des questions  que s’est posées la science économique. Cela permet de voir à la fois les héritages et les ruptures.

    Héritages : comment, par exemple, le marginalisme est incapable de se débarrasser du concept saugrenu de l’individu libre rationnel et omniscient. Au contraire il le renforce, quitte à faire appel à la fiction du « commissaire-priseur » évitant aux vrais gens d’être en contact. Comment ce même marginalisme, croyant améliorer les choses, substitue à la valeur-travail (Smith-Ricardo-Marx) la valeur-utilité, sans se rendre compte qu’il reste dans l’idéel et oublie le concret. Comment les Arrow et Debreu, pour sauver l’édifice, vont inventer un type de transaction qui de fait n’existe pas, puis noyer le poisson sous un déluge d’équations et de traitements mathématiques de haute volée. OK, ils y gagneront un Prix Nobel, mais une démonstration mathématique, aussi juste soit-elle, qui s’appuie sur des prémisses idiotes, ne démontre rien. Au contraire.

    Ruptures : donc déjà marginalisme contre théorie classique, ça ne fait qu’aggraver les choses, mais c’est une vraie rupture. Ensuite (et surtout) Keynes qui lui apporte vraiment du neuf. Mais ça ne dure pas : Keynes publie son ouvrage en 1930, John Hicks le récupère (à l’avantage des néo-classiques) dès 1937 ! Et c’est foutu. Viennent ensuite les Hayek, et, les déjà nommés Arrow et Debreu.


    Ce livre n’est pas gai ! Par certains aspects il est même désespérant. Mais le lire c’est mieux comprendre comment on en est arrivé là.



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