• Et donc pas seulement un divertissement.

    Il y a une scène célèbre de la télé française où on voit Serge Gainsbourg et Guy Béart s’affronter à propos d’une phrase que Gainsbourg a prononcée peu avant : « La chanson est un art mineur ».

    Béart n’est pas d’accord, mais c’est parce qu’il ne comprend pas ce que dit Gainsbourg, lequel, pochetronné comme trop souvent, a bien du mal à aligner ses arguments. Et pourtant il y arrive vaille que vaille, mais son état permet à Béart d’avoir l’air de gagner. Et pourtant il a tort.


    Quand Gainsbourg dit que la chanson est un « art mineur », il ne dit pas que ça ne vaut rien, il dit qu’il n’y a pas besoin d’initiation pour la comprendre. Un « art majeur », lui, demande une initiation : peinture, théâtre, musique (dite) classique, etc.

    Quand j’étais petit, mes parents possédaient deux ou trois disques d’opéra (en français, ils ne supportaient pas les VO. Autre sujet sur lequel je reviendrai un jour.) Quand ils les passaient, d’abord sur le pick-up puis, plus tard, sur l’électrophone, je n’entendais rien : du bruit !
    Mon frère, même adulte, n’a longtemps entendu que des cris dans un air de soprano (« Oh ! Là elle s’est fait mal… » disait-il ne plaisantant qu’à moitié) !

    Ce n’est que plus tard que j’ai commencé à « entendre », et pas par hasard, mais parce que des copains et copines chanteurs eux-mêmes m’ont fait découvrir. Lentement !
    Là, ce n’est pas du « classique », c’est du « lyrique ». Exemple non classique de lyrique : West Side Story. Soit tu n’entends que des chansons, soit tu entends un opéra. Question d’initiation. Et en plus c’est de la danse, autre art, pas simple non plus.

    La peinture je n’y ai rien compris jusqu’à ce que ma fille, faisant des études d’Art, me fasse des cours à domicile ! Je vous dis pas les soirées. Passionnantes.

    Etc.

    Une fois initié(e), on a parfaitement le droit de ne pas aimer, mais avant non. Je me prends encore comme exemple : je n’aime pas le « fado » (portugais). Il n’y a pas besoin pourtant d’une longue initiation pour comprendre qu’une Amália Rodrigues, par exemple, est une grande et vraie artiste. Ça j’ai compris, mais je n’aime pas le genre, c’est tout. Ça reste de l’art (populaire au départ certes), mais de l’art. Et tant pis pour moi si je n’y suis pas sensible !

    Donc quand quelqu’un me dit : « je n’aime pas ci ou ça », je cherche d’abord à vérifier s’il ou elle a compris de quoi on parle. Si oui, pas de souci, si non : éduque toi avant.

    Je prends un autre exemple : il y a environ 25 ans, j’hébergeais un gamin d’à peine 20 ans. J’ai voulu lui faire écouter je ne sais plus quoi, manque de pot, il y avait des cuivres dedans, il fut péremptoire : « je n’aime pas les cuivres ! ». Triste. J’espère que depuis il a évolué.

    Exemple voisin (même si ça peut vous surprendre) : j’ai toujours défendu la thèse suivante « Les amateurs de hard-rock sont sur le point d’aimer l’opéra ». (Je peux en dire autant de nos jours de la techno). Pourquoi ? Parce que l’immédiateté de l’écoute rentre par la même voie : les tripes. Mais pour l’opéra il faut un chouïa d’initiation en plus, d’éducation de l’oreille si vous préférez (d’ailleurs ce n’est pas tant l’oreille que le cerveau qui est derrière).

    Je conclurai ici : avant de dire « Je n’aime pas ci ou ça », essayez de le comprendre.

     

    Note complémentaire (mais tout à fait hors sujet) : j’en ai marre qu’on confonde classique, lyrique, baroque, romantique, etc. en musique. Ce sont des choses totalement différentes. On peut goûter Brahms et ne pas aimer Bach, ou l’inverse bien sûr.



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